Victorine Alisse
à Bonaventure

EXPOSITION

Dans tes pas

Victorine Alisse, La Bassée (France) | victorine-alisse.format.com

Texte dactylographié d’une lettre écrite à mon grand-père :
À papi Pierre-Jean,

Combien de fois as-tu foulé cette terre?
Combien de fois as-tu regardé ces champs?

Que ressent-on quand la météo peut devenir un ami ou un ennemi pour les récoltes?
Que ressent-on en voyant les cultures pousser? Les blés grandir?

Je te revois marcher d’un pas déterminé avec ta gavroche sur la tête, toujours en action, toujours à imaginer de nouveaux projets. Tu te donnais dans ton métier d’agriculteur.

En discutant avec mamie, j’ai réalisé à quel point céder la ferme avait été douloureux pour toi. J’aurais aimé te poser plus de questions sur ce métier si essentiel qui tend à disparaître.

Alors, j’ai décidé de marcher un peu dans tes pas et d’aller à la rencontre de celles et ceux qui continuent de travailler la terre autour de la ferme. On me parle souvent de toi.

Marcel me raconte l’histoire de la ferme que tu as reprise avec mamie en 1963. Ses deux fils, Jean-François et Pierre, ont pris le relais. Ils passent souvent devant la ferme sur leur tracteur. J’ai aussi rencontré Odette, une agricultrice voisine retraitée, qui se promène à vélo devant votre maison. Je découvre aussi à quel point l’envie de toujours plus d’hectares peut rendre malheureux. Mais ce que je retiens, c’est ce goût pour le travail de la terre, cet amour pour cette vie au rythme des saisons.

Mais, je me suis demandé pourquoi personne n’avait pris ta suite. J’ai suivi papa, fils d’agriculteur aussi, dans son travail en banque pour comprendre son lien à la terre.

Des souvenirs, des odeurs me sont revenus. L’odeur des pommes de terre fraîchement récoltées sur le tapis de tri. Les tartines coupées en deux que nous venions t’apporter avec mamie dans les champs en C15.

Dans tes pas, j’ai essayé de me rapprocher de toi.

Tu me manques.

Victorine

Exposition aux Rencontres

Dans tes pas

Après une formation en relations internationales et action humanitaire, Victorine Alisse se consacre à la photographie. Son approche documentaire l’amène à traiter de sujets sociétaux et environnementaux. Mais c’est avant tout, dit-elle, « la rencontre avec l’autre qui nourrit [son] travail ». Petite-fille d’agriculteur, elle cherche à questionner les visages de l’agriculture d’aujourd’hui avec sa série On avait tous un paysan dans la famille. Elle s’intéresse également aux nouvelles formes narratives en combinant textes et images avec la série Au grand air, réalisée avec JS Saia, et récompensée par le prix Caritas Photo sociale en 2021. Elle est membre du collectif Hors Format.