Renaud Philippe à Chandler

En mars 2020, sur la route reliant le Saguenay et Québec, en pleine tempête de neige – la tempête de l’hiver, celle qui fait que plus rien n’existe à l’exception du bout de route éclairé par les phares et l’espace clos de la voiture – le photographe Renaud Philippe entend à la radio l’OMS déclarer la pandémie. La vie, telle qu’on la connaît, s’arrête. Suivant la voie prise par de nombreux États partout dans le monde, le Canada, d’est en ouest, se place en confinement. Un moment aussi irréel que marquant sur le plan historique. Deux jours plus tard, ses valises faites et son matériel photo prêt, il voit son départ vers la frontière entre le Brésil et le Venezuela annulé.  

Comme photographe documentaire, Renaud Philippe travaille habituellement sur des situations délicates, et là il se retrouve malgré lui au cœur de la crise, une crise invisible, alors que les mots COVID, pandémie, quarantaine, couvre-feu ne font pas encore partie du vocabulaire quotidien. Il a ressenti la même adrénaline, la même ultra-conscience de l’environnement, les mêmes automatismes. Un peu par réflexe, il est parti de Québec, en semi-isolement dans sa voiture, et a traversé le Canada durant 21 jours, seul sur une route infinie. Une errance dans un pays déserté, convaincu que la crise de la COVID est le point zéro d’une période faite de remous, d’instabilité et de changements majeurs dont nous ne pouvons pas encore saisir toute la portée.