Judith Bellavance
à Percé
EXPOSITION
Le grenier aux petites valises
Judith Bellavance, Montréal (Québec) | judithbellavance.com
En résidence chez Diaphane, pôle photographique en Hauts-de-France, je me suis intéressée au « grenier aux petites valises ». Emblème d’une époque révolue, cet endroit se trouve dans un pavillon désaffecté du Centre Hospitalier Isarien, spécialisé en soins psychiatriques. Il renferme les vestiges de nombreuses vies rompues par la maladie mentale. Des centaines de « petits cousus » sont entreposés dans ce grenier. Cette pratique consistait à emballer les effets personnels des malades psychiatrisés au moment de leur entrée en institution pour les préserver à long terme. Nombre d’entre eux n’étant jamais ressortis, leurs petits cousus s’y sont entassés entre 1880 et la fin des années 1980. Touchée par l’ampleur des vestiges de vies conservés et amoncelés dans le grenier aux petites valises, j’ai souhaité sortir ces vies recluses de l’anonymat.
Je suis donc partie à la découverte des lieux et à la rencontre des personnes qui y ont travaillé, afin de remettre en contexte l’existence des petits cousus pour donner une voix à tous ces gens disparus. Dans les dernières années de cette pratique, il était encore fréquent que des malades psychiatrisés séjournent à vie en institution. Les soins et services implantés structuraient l’existence de ces personnes en marge de leur milieu familial et du tissu social. C’est à la fin des années 1970 que s’amorce le démantèlement progressif de ce système autarcique au profit de leur réinsertion. Au terme de ce processus de désinstitutionalisation, les séjours à durées variables ne nécessiteront plus l’usage des petits cousus, ni leur entreposage.
Le grenier aux petites valises, avec tout son contenu, tombera dans la désuétude tel un cimetière de vies oubliées. Décombres de vies, ces petits cousus sont les derniers témoins des us et coutumes d’une époque révolue. Je me suis servie de ma démarche d’observation pour dépeindre une histoire de mémoire, inspirée par ces vies interrompues, ensevelies sous la poussière du silence et de l’oubli.
Exposition aux Rencontres
Le grenier aux petites valises
Mon travail de création se déploie autour de l’expérience de la perte et de la disparition. Fascinée par tout ce qui nous échappe : mémoire, sensations, capacité… je porte mon attention sur ce qui prend fin et je mets en forme mes observations à partir d’objets photographiques, témoins poétiques et évocateurs de ces dépossessions. Dans mes œuvres, ces objets sont vecteurs de mémoire et de sensations. Je leur assigne un rôle de sujets, voire de personnages, pour composer et proposer des histoires photographiques. Mon travail réunit des éléments essentiels à la nature morte : narration, cycle de vie, mort et transformation. Il relève de la collection, de la composition, de la narration et de la suggestion. Dans mes dernières réalisations, des objets réels et de l’installation vidéo ont commencé à côtoyer mes œuvres photographiques.