Cince Johnston
à Maria
EXPOSITION
Freddy et Ceydie
Cince Johnston, Sainte-Pétronille (Québec) | cincejohnston.com
Le 20 avril 2008, un homme est mort en Croatie. Son legs post mortem a permis de sauver la vie de deux personnes en Belgique : Freddy et la fille de la photographe, Ceydie. Ils se sont rencontrés pour la première fois dix ans après leur greffe de foie, par cet étrange destin d’un organe partagé. Ceydie avait 13 ans et Freddy, 75 ans – Freddy, aimablement, et Ceydie, adolescente, en maugréant.
Ce projet présente, outre une image de cette brève rencontre, un portrait visuel documentant séparément la vie de Ceydie (qui vit maintenant au Canada) et de Freddy, dix ans après leur transplantation hépatique. La combinaison de leur histoire représente symboliquement la réunion du foie du donneur et rend ainsi hommage à cet homme inconnu en Croatie.
Le récit personnel de Ceydie comprend une série d’images remplies de gestes émotionnels superposés, illustrant un dialogue entre mère et fille. Au cours de cette période où elle cherche sa propre voix, Ceydie embrasse et repousse sa mère par des gestes de distanciation, d’agacement ou de complicité enjouée. Tout en observant les changements chez sa fille adolescente, l’artiste se trouve face à ses propres peurs, profondément ancrées, concernant la santé de sa fille – c’est l’occasion d’apprendre à lâcher prise. Et dans ce processus de création photographique qui les rassemble, elle y trouve aussi un lieu de guérison.
En photographiant Freddy, un parfait inconnu, l’artiste a expérimenté un autre type d’interaction photographique. Dès leur deuxième rencontre, il lui a raconté une histoire aux échos de trahison familiale qui avait refait surface immédiatement après sa greffe et qui l’affectait encore, dix ans plus tard. Il venait également de prendre sa retraite, ce qui, pour lui, « était une punition ».
La jeune Ceydie avait établi ses règles – une photo par jour (non rétroactive), et parfois seulement une partie du corps –, alors que Freddy, pendant le peu de temps qu’ils ont passé ensemble, était complètement ouvert au microscope que représente la caméra.
Cince Johnston espère que ce projet incitera les gens à discuter avec leurs proches de leur position vis-à-vis le don d’organes de personnes décédées et à réfléchir plus largement aux effets de la politique gouvernementale en matière de don d’organes, notamment en ce qui concerne la pénurie d’organes.
Exposition aux Rencontres
Freddy et Ceydie
Mère de cinq enfants, Cince Johnston explore dans sa pratique photographique les récits familiaux intimes, le documentaire de rue et, pour varier, les récits militants. Forte de ses études en histoire de l’art à l’Université Bishop’s, en photojournalisme à l’Institut de technologie du sud de l’Alberta (SAIT) et d’une maîtrise en médias documentaires de l’Université métropolitaine de Toronto, l’artiste explore dans son travail la dynamique des relations et leurs complexités inhérentes dans un style photographique qui se situe entre la peinture et le reportage journalistique.
La photographe cherche à intégrer dans le cadre de son travail des aspects plus respectueux de l’environnement et favorise des pratiques d’impression durables comme l’utilisation de papier recyclé et d’encre recyclée ou l’emploi de méthodes d’impression plus écologiques, comme l’imprimante Risograph ou le procédé photographique cyanotype. Récemment, elle a relié à la main son projet this place I call home whispers fragments of secrets to me, imitant le rythme adopté lors du confinement lié à la pandémie de COVID-19 et rendant ainsi hommage à ses aïeules, qui ont passé des heures à tricoter, repriser et coudre.