Alain Lefort
à Matapédia

« Depuis 2018, une grande partie de mes expérimentations portent sur les spécificités phénoménales et temporelles de l’eau, des espaces aqueux ainsi que leur incidence sur un territoire donné. Le mouvement irrégulier et perpétuel de l’eau sous toutes ses formes renvoie autant à son irréversibilité dans le temps qu’à sa puissance et à ses mystères. Les œuvres engendrées sont développées d’après les propriétés spécifiques du médium employé, qu’il soit photographique, vidéographique ou sonore, tout en considérant la dimension temporelle du sujet.

« En 2021, j’ai poursuivi ces expériences depuis les berges du Saint-Laurent lors d’une résidence à Saint-Jean-Port-Joli. À cet endroit, le fleuve est opaque, gorgé par les sédiments qui ne cessent de remonter à la surface, dans un mouvement constant dicté par les ressacs. À chaque fin de journée durant mon séjour, j’ai filmé l’état de l’eau à mes pieds. J’ai pu ainsi cumuler plus d’une cinquantaine de films d’une parcelle du fleuve. Un cadrage serré sur les mouvements marins changeants au gré des jours et des marées. Un fleuve qui sera tantôt calme, parfois tumultueux. Une tension soutenue et établie par la limite du cadre.

« L’installation comporte la projection simultanée et aléatoire de neuf vidéos, proposant différents espaces-temps qui se jumellent et se répondent par le mouvement de la marée; une extension et une analogie de nos usures et hésitations collectives.

« Plus précisément, la projection débute par un amoncellement de films qui, par un mouvement d’effet centrifuge, se déplacent et se positionnent en une grille. Une pulsion entropique s’ajoute à l’installation par le retrait d’une fraction de seconde à chaque passage d’un extrait dans la première fenêtre de la grille et le mouvement général suivra le rythme de la dégradation des extraits. Ce décalage temporel crée une désynchronisation des extraits. Ainsi, plus l’œuvre est diffusée, plus elle s’approche d’une fin imminente et irréversible. » – Alain Lefort